Siv-Chheng Tiv, la femme qui fait sonner le Haut-Doubs

De Phnom Penh à Morteau

Originaire du Cambodge qu’elle fuit enfant pour échapper aux Khmers rouges, Siv-Chheng Tiv a grandi en Franche-Comté, « ma terre d’accueil ». Études à Besançon et à l’étranger, management dans la métallurgie en Suisse : « J’aimais déjà ce milieu industriel et traditionnel ».
Sous l’égide de Yves Obertino, héritier de l’atelier familial, Siv-Chheng Tiv a repris le flambeau de la fonderie en 2018. « C’est une consécration de ma carrière » ajoute-t-elle.
Aujourd’hui, Obertino Morteau fait partie des toutes dernières fonderies artisanales de cloches en France. « Chaque cloche qui sort de nos ateliers est façonnée à la main, avec la même exigence depuis près d’un siècle. Même de taille identique, elles sonnent toutes différemment, chaque moulage étant unique et le battant travaillé artisanalement. Pour un éleveur, reconnaître sa vache à l’oreille fait partie du quotidien », souligne la directrice.

Des comices aux grands événements

Une à deux coulées par jour permettent de produire en moyenne 35 à 40 000 cloches en bronze par an, de 4 à 35 cm. La fabrication suit des étapes immuables : moulage, coulée du bronze porté à 1 200 °C, ébarbage, tournage… sans oublier le travail du cuir, réalisé dans son propre atelier de bourrellerie. Un savoir-faire complet qui fait la singularité de la maison.
Les comices agricoles restent un rendez-vous fort pour l’entreprise. Les cloches offertes par les sponsors sont de véritables témoins d’histoire : elles portent le logo de l’entreprise partenaire, le lieu et la date de l’édition. « Parfois, on croise encore dans les pâturages des cloches datant de plusieurs décennies, toujours en service. Ce sont des objets d’exception qui traversent les générations. »
Objet chargé de sens, la cloche personnalisée s’offre aussi pour les baptêmes, mariages, anniversaires, événements sportifs ou associatifs… L’atelier produit également des cloches de chapelle, des bas-reliefs, des plaques commémoratives, de la signalétique et d’autres pièces de fonderie sur-mesure, toujours avec le même soin du détail.

« Derrière chaque cloche, il y a une main, un savoir-faire et une histoire »

Siv-Chheng Tiv

Transmettre et rayonner

Aujourd’hui, une dizaine de salariés font vivre l’entreprise. Les plus expérimentés forment les nouveaux venus, car aucun cursus n’existe pour ce métier rare. Il faut un à deux ans pour maîtriser l’ensemble des gestes. Labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant et intégrée au réseau Made in chez Nous, la fonderie ouvre régulièrement ses portes au public. « Le moment de la coulée fascine. Montrer ce travail unique est une vraie fierté », confie la directrice.
Près de la moitié de la clientèle reste agricole, mais les créations signées Ober tino Morteau séduisent bien au-delà des frontières, avec 30 % du chiffre d’affaires réalisé à l’export. Une manière de prouver que le bronze du Haut-Doubs a une résonance universelle.